Le journalisme cinéma à Bordeaux, c'est un rituel parfaitement rodé : avant-première presse à l'aube, généralement du côté de l'UGC, conférence de presse l'après-midi, le plus souvent au Regent Hotel place de la Comédie, repère des puissants. Mais ce jour-là, plus qu'à l'habitude, reignent dans les salons hôtes de ces rencontres une forme d'excitation mêlée à de l'impatience. Ce jour-là, Éric Cantona est à Bordeaux pour son fameux Looking for Éric. Et comme tout seigneur qui se respecte, il est très en retard... et enfin arrivé, prend le temps de fumer sa clope et de signer quelques autographes en bas des marches. Pas grave, on pardonne tout au King.
Le voilà enfin, démarche caractéristique, serrage de mains déterminé. On discute du film (« nous, on l'aime comme il est, c'est vraiment un grand film »), de son travail avec Ken Loach (« quelqu'un qui a du style »), du fait de jouer avec son image : « être, c'est son image... selon ce qu'on a été dans sa vie, l'image des gens est plus ou moins éloignée de ce qu'on est. Là, c'est ce que je suis ». La vérité. On avait dit pas de question foot, mais dans le film, il y a cette passe majestueuse pour Ryan Giggs, auto-considérée comme le sommet technique de sa carrière : « on peut aimer recevoir, mais aussi le plaisir d'offrir la passe parfaite ; quelque part une forme d'égoïsme car c'est ce qui nous procure le plus de plaisir ». Quand les mouettes suivent le chalutier...

QUE DU BEAU MONDE

L'antithèse parfaite, ce fut Lyes Salem, interrogé le plus simplement du monde au bar de l'UGC... Lyes qui ? Réalisateur et également acteur principal de son film, Mascarades. Loin des paillettes cannoises de Looking for Eric, mais une comédie bien sentie au coeur des campagnes algériennes.
Autre rencontre informelle (et improbable), Ovidie, sur les bancs de Bordeaux 3, à l'occasion d'un colloque sur la pornographie... car oui, pour ceux qui ne la connaissent pas, Ovidie, c'est une ancienne actrice-star du genre presque immédiatement reconvertie en réalisatrice-écrivain-programmatrice TV spécialisée dans la sexualité et ses problèmes. Alors lorsque le CNC placarde son Histoires de sexe(s), un film « à vraie prétention cinématographique, sans aucune visée masturbatoire », dont le but consiste à « montrer une sexualité réaliste, entre idéalisme des films classiques et le monde irréel du porno », pour elle, « c'est mon CV qui est condamné ». Dégoutée qu'on « nous traite comme une pute dans un port de pêche ». Ah la France, « un pays à la fois ouvert et très segmenté ».

FAIS-MOI RIRE

En la matière, impossible d'oublier le sourire et le fou-rire de Judith Godrèche, venue présenter Fais-moi plaisir ! avec l'acteur-réalisateur Emmanuel Mouret, roi de la gaffe dans le film... et dans la vie ? En boîte de nuit, « alors qu'on dansait follement, il comence à enlever son pull : en dessous, il avait un damart avec un T-shirt qui dépassait... il continuait à danser comme si de rien n'était »... morte de rire.
Enfin, fou rire également au rendez-vous de l'Absurde Séance, concoctée par des étudiants férus de films de genre, série Z. Nos petits préférés ? Les moutons mutants de Black Sheep et Une Nuit en enfer par la doublette magique Tarantino-Rodriguez. On en redemande !