Sortir : Plutôt surprenant de vous retrouver là sur un projet remake.
Yvan Attal :
C'était pas mon intention au départ, on m'a proposé... et l'idée de faire un remake, j'ai trouvé ça intéressant, le fait de travailler sur un film qui ne vient pas de moi, c'est un exercice de style aussi. C'est marrant parce qu'il y a 15 ans, je voyais ça comme un sacrilège ! Mais bon, aujourd'hui dans le cinéma américain, on fait beaucoup de remakes, de grands réalisateurs en ont fait aussi... Mon film préféré, Some Like it hot, j'ai d'ailleurs appris que c'était le remake d'un film français, qui était lui-même le remake d'un film allemand (sourire). En fait, comme ça ne venait pas de moi, j'ai pas eu le temps de me faire le film dans la tête, du coup je me suis posé des vraies questions de mise en scène... et au final, je ne me suis jamais senti autant réalisateur que sur ce film.

Sortir : Et puis vous retrouviez un sujet qui vous tient à coeur, le couple.
Y. Attal :
Oui c'était aussi ça : en quoi m'appuyer sur le film pour parler du couple à nouveau. Mais au-delà du sujet, ce qui m'a plu de suite, c'est le jeu d'acteur : on a là deux rôles de qualité, sublimes à jouer ! Du coup, j'étais d'accord pour le mettre en scène à condition de jouer dedans : c'est l'acteur qui a poussé le metteur en scène en fait.

Sortir : Par contre, vous frotter à la comédie, c'est une première.
Y. Attal :
Ce film, c'est un film de genre : quand on fait une comédie, il est important de ne pas être trop cru, de ne pas devenir trop embarassant... Les gens ne se braquent pas, ainsi on est attendris par les personnages et le message passe. Mais ça peut se révéler aussi ingrat, voire frustrant : dans une comédie, on est obligé de tenir compte de la narration, du rythme, d'une certaine efficacité, alors que parfois on aurait envie de s'exprimer un peu plus avec l'image. Par exemple pour un drame, on peut s'attarder davantage sur ses personnages... c'est gratifiant pour un réalisateur de pouvoir créer une atmosphère. C'est pourquoi je trouve que la comédie est un genre difficile.

Sortir : Bon alors, c'est quoi cette histoire de plan homo entre hétéros ?
Y. Attal :
C'est davantage l'histoire de deux potes qui décident de repousser leurs limites... ce qui remet beaucoup de choses en question : lorsqu'on remet sa sexualité en jeu, on remet toute son identité en jeu. Il y a aussi toutes les interrogations liées à l'oeuvre d'art, à l'artiste : est-ce que je suis un minimum audacieux, est-ce que je vais suffisamment en profondeur, voilà des questions qu'on se pose... Ces deux gars font un film, nous on fait un film : on répond à ces questions à travers les deux personnages.

Sortir : Et le choix de François Cluzet ?
Y. Attal :
Il s'est fait assez simplement : c'est un acteur que j'aime depuis longtemps, j'avais pas envie d'un acteur estampillé comédie... c'est François au bout du compte et c'est très bien comme ça. Le casting, c'est toujours une chose délicate : un acteur dans un film, ça imprime un truc tout de suite, il marque le film de sa présence. Là avec Intouchables, je me suis retrouvé avec monsieur champion du monde du box office, c'était pas prévu (sourire). De toute façon, j'avais besoin d'un acteur pour me challenger.

Sortir : Dans la chambre d'hôtel notamment...
Y. Attal :
C'est LE challenge du film. Déjà moi qui suis totalement hétéro, l'idée d'embrasser François Cluzet m'angoissait un peu... mais pas tant que ça en fait. J'avais peur d'y aller dans cette chambre, c'était une angoisse de metteur en scène. Narrativement et dramatiquement, tout se dirige vers cette chambre d'hôtel, ils le disent eux-mêmes : "vous allez voir ce que vous allez voir". Et au final, on peut filmer ça de 100 000 façons, ce qui compte ce sont les acteurs, que ce qui passe à l'écran soit juste et intéressant.