Sortir : Depuis votre dernier album (Des vagues et des ruisseaux), vous avez testé de nouvelles expériences musicales, au printemps de Bourges notamment...
La Grande Sophie :
C'est ça, on s'est réunis avec 5 autres chanteuses françaises (Camille, Jeanne Cherhal, Emily Loizeau, Rosemary Standley, Olivia Ruiz) pour monter une création spécialement pour l'évènement. D'ailleurs, bloquer nos plannings, ça a pas été une mince affaire... L'idée consistait à chanter les unes avec les autres en s'accompagnant, ce qui veut dire être très à l'écoute, très observatrices les unes des autres. Au final, ça a été un très joli moment.

Sortir : Il y a aussi eu cette collaboration avec Françoise Hardy.
La Grande Sophie :
Françoise Hardy, c'est quelqu'un que j'ai beaucoup écouté, j'adore sa voix, une voix qui plonge dans l'intimité. Je lui ai envoyé un petit mot par mail car j'avais entendu dire qu'elle aimait ma chanson Quelqu'un d'autre : elle m'a répondu et on a continué à communiquer de cette façon. Derrière, je lui ai proposé une chanson (Mister) et elle l'a gardé pour son album : je trouve ça très touchant, car c'est franchement pas évident à la base que ça lui corresponde. Il s'est passé la même chose avec Sylvie Vartan pour Personne. Toutes ces chanteuses des années 60, je les ai beaucoup écoutés, alors qu'elle puisse se reconnaître dans mes chansons...

Sortir : Vous avez également composé pour un téléfilm.
La Grande Sophie :
Ça m'intéressait beaucoup de travailler là-dessus, c'est une autre mécanique, laisser vivre la mélodie à travers des envolées plus longues. C'est aussi à cause de ça que je favorise davantage l'espace musical dans La place du fantôme.

Sortir : Et donc derrière, vous reprenez l'écriture.
La Grande Sophie :
Et je me suis rendu compte que ça vient pas si facilement ! Il m'a fallu quelques mois, et puis les chansons sont venues les unes après les autres. En fait, j'étais à la recherche de quelque chose... c'est aussi une vraie rupture dans ma vie personnelle, d'où une rupture au niveau des textes, plus dans l'intime que l'album précédent : c'est vraiment mon histoire. Pareil niveau musique, avec un mélange entre acoustique et synthétique que j'avais jamais essayé auparavant : un savant mélange à bien doser pour ne pas tomber dans l'électro et rester dans une dynamique pop.

Sortir : Ce côté introspectif, mélancolique, c'est à l'inverse de l'image qu'on se fait de vous...
La Grande Sophie :
Tout le monde me dit ça par rapport à l'image qu'on m'a collée : j'ai cette joie de vivre en moi, mais pas seulement... J'ai voulu afficher ça en premier dans ma façon d'être, alors que mes chansons ne sont pas toujours drôles. Et puis ce côté enthousiaste devant le public, ça a souvent pris le pas sur ce que j'écrivais. En fait, on retrouve les thèmes abordés dans les premiers albums, mais pas la même voix, j'ai cherché à canaliser davantage cet engouement. Au final, ça donne un album avec moins de chansons, mais où chaque chanson donne plus de poids aux mots. Et un album nécessaire pour moi, aussi bien musicalement que par rapport à ma vie.

Sortir : On retrouve tout de même cette touche mélodique qui vous caractérise...
La Grande Sophie :
On reste sur de la mélodie car j'adore ça, mais il y a une vraie différence dans la façon d'écrire, davantage dans les images et la réflexion. Et puis au niveau musical, on a essayé de suivre au mieux les chansons, en se concentrant sur la notion de climat, pas du tout sur le style, un vrai travail de recherche. D'ailleurs pour ça, j'avais l'habitude de travailler de façon très solitaire, avant de prendre en compte les différentes indications niveau arrangements. Là, on a fonctionné dans l'échange.

Sortir : Et donc vous voilà repartie en tournée, de nouveau sur scène.
La Grande Sophie :
La scène, ce ne sont que des moments privilégiés, rien à voir avec le studio où il faut penser à tout, ça reste figer à vie. À l'inverse, ce côté spontané, éphémère, chaque concert est différent. Moi parfois, j'essaye des choses, je fais bouger des titres, je prends mes marques sur des nouveaux... Et puis quand on fait de la scène, on est ancré dans le présent : au quotidien, on pense au futur, on ressasse le passé et on oublie le présent... or sur scène, on est parfaitement dans le présent et à cet instant présent, on ne peut rien faire d'autre que d'échanger.