Sortir : Voilà maintenant 20 ans de vie pour Folie, auriez vous imaginé cela lors de sa création ?
Benjamin Lamarche : On se posait pas la question de la longévité des choses à l'époque, ça arrive quand on est plus âgé... En y réfléchissant, Texanne par exemple, est une œuvre plus connotée, Folie est intemporelle. Ce spectacle aurait pu être créé hier, ce n'est pas répertoriable, que ce soit au niveau des costumes etc. A l'époque, ce que l'on se disait c'est que l'important était que ce soit montré, on voulait parcourir le monde dans ce but ! Les spectacles de Claude donnent une énergie de vie, ils vont loin géographiquement, loin dans le temps mais aussi loin dans l'humain ! Quand on pense que 2 générations de personnes l'ont vue, certaines personnes  ont vu trois représentations différentes, à des moments de leur vie différents.

Sortir : Pouvez vous nous parler du projet de départ ?
B. Lamarche : Folie était une commande de la biennale du Val de Marne pour le bicentenaire de la révolution. On est parti sur l'évènement historique de la marche des femmes sur Versailles, suite à des lectures et des recherches. C'est la notion du groupe humain qui perd son but, trébuche, se relève, s'entraide, puis tombe à nouveau...Ça tourne beaucoup autour de l'émergence, l'échec, la réussite, l'espoir et le désespoir, tout ça sans narration. L'humanité a besoin d'une énergie pour arriver à survivre.

Sortir : Le ballet a-t-il évolué en 20 ans ?
B. Lamarche : La pièce est la même, les costumes aussi, nous n'avons rien modifié. Par contre l'évolution est obligatoire dans le sens où les danseurs ont changé et on ne danse pas pareil quand c'est pour la première fois ou la dixième...La pièce bouge en fonction des gens. Mais la toute première, c'était quelque chose d'extraordinaire.

Sortir : Comment expliquer cette notion d’intemporalité dans Folie ?
B. Lamarche : C'est la question de l'homme et son évolution, mais l'homme a -t-il évolué ? Il a toujours ce besoin de révolte, d'amour, de pouvoir...C'est intemporel et universel. Ce qui est drôle, c'est qu'on ne voit pas les même choses quand on a 20 ans, 30 ans ou 40 ans. Là, certains spectateurs qui ont vu la pièce plusieurs fois à des âges différents ne voient pas la même chose et sont persuadés que l'on a changé des éléments, alors que rien n'a changé !

Sortir : Folie ouvre des portes, mais qu'est ce qui anime vraiment cette pièce ?
B. Lamarche : On ne peut pas réduire Folie à un message...mais le contexte historique a changé ; à l'époque, le spectacle est sorti quelques jours après la chute du mur de Berlin, ça a vraiment nourri la création. Le ballet a ensuite connu de nombreux bouleversements historiques, selon les pays où nous l'avons joué. L'Art est un moyen d'aller plus loin... On ne parle pas ici de Folie psychiatrique. On a tous un absolu en nous, un appel immense, qu'est ce qui nous brûle ? La politique, la société... ? L"Homme s'emprisonne tout seul. Dans Folie, tout va en crescendo, en énergie, en espace, en puissance. Mais il y a un aspect positif, à la fin, c'est un rassemblement, qui donne peut-être la possibilité de s'en sortir. Ça parle de choses graves, mais il y a de l'espoir.


Sortir :106 danseurs en tout ont participé à Folie, qui seront les danseurs des prochaines représentation du 22 au 24 mars à Graslin ?
B. Lamarche : Dans le projet de départ, sur 15 personnes, nous avions 12 femmes et 3 hommes, au fur et à mesure, le nombre de danseurs a augmenté. Je suis le seul à danser Folie depuis 20 ans. Certains le danse depuis 18 ans, un bon groupe s'est formé depuis longtemps. par contre, pour 3 ou 4, c'est la première fois !